samedi 9 mars 2013



L'éléatisme a été bien peu et bien mal étudié. Les biographies des éléates font encore l'objet de nombreuses erreurs, souvent grossières, y compris dans les ouvrages les plus sérieux. Les dates données sont généralement fantaisistes et les auteurs ont rarement recours à l'analyse approfondie des témoignages historiques.

Quant à la philosophie éléatique, elle est le plus souvent très mal comprise, réinterprétée superficiellement au gré de conceptions aléatoires, savamment élaborées par divers spécialistes, mais ne servant le plus souvent qu'à illustrer leurs préjugés sur les pré-socratiques. Ainsi, pour des raisons futiles, on escamote la création du seul monothéisme d'origine occidentale par Xénophane, on dénie à Parménide la fondation d'une nouvelle branche de la philosophie, à savoir l'ontologie, on s'acharne, avec des raisonnements aussi laborieux qu'abscons, à déconstruire les paradoxes de Zénon, on se moque de l'illimité de Mélissos dont on ne comprend pas la portée, et l'on va, reprenant des critiques rebattues depuis l'Antiquité, jusqu'à traiter les éléates d'immobilistes, d'anti-physiciens et même de naïfs incultes et de fous !
Comme si cela ne suffisait pas, certains, poussant cette logique jusqu'à l'absurde, en sont arrivés à nier l'existence de l'école de philosophie éléatique, trompés par le tableau qu'en livrent quelques historiens ou chercheurs, qui découpent la philosophie grecque en tranches chronologiques, comme s'il s'agissait d'un vulgaire saucisson ! Ainsi, Diogène Laërce ne sachant que faire des éléates, s'en débarrasse en les jetant dans le sac des isolés et des sceptiques, en son livre IX, avec huit autres philosophes. Quant à H. Diels, qui a rassemblé les fragments des pré-socratiques, il intercale les pythagoriciens moyens entre Xénophane et les autres éléates, tout en les mélangeant à d'autres philosophes, ce qui a pour conséquence de rendre illisible la cohérence interne de ce courant de pensée.
Dans ces conditions, il est apparu que le mieux était de faire table rase de ces sottises et de repartir de l'étude des sources antiques, seul guide fiable pour mener une recherche sérieuse sur le sujet...

Il faut relever, enfin, que l'histoire a parfois des retournements de situation qui laissent rêveur. Qui aurait pu imaginer, il y a seulement un siècle, que la science pourrait finalement donner raison aux éléates, après que la mécanique quantique et l'astrophysique aient révélé, peu à peu, que la réalité n'est pas du tout ce qu'elle a l'air d'être, contrairement à ce que l'on croyait depuis Aristote ?

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