La biographie de Xénophane a suscité de nombreux témoignages contradictoires dès l'Antiquité. Cette confusion s'est encore amplifiée à notre époque, à tel point qu'on lui prête parfois une date de naissance, vers 520 av. J.-C. (cf. par exemple : Encyclopædia Universalis, 1980, XX, p. 2065), qui correspondrait mieux à celle de sa mort.
Tout
d'abord, il convient de ne pas confondre Xénophane de Colophon avec
le poète Xénophane de Lesbos.
●
Chronologie
□
Naissance :
Il
semble qu'il soit le fils d'Orthomène (Apollodore d'Athènes,
Chronologie,
40 ; Diogène Laërce, Vies des
philosophes,
IX, 18 ; Hippolyte, Réfutation de
toutes les hérésies,
I, 14 ; Théodoret, Thérapeutique
des maladies helléniques,
IV, 5). Quelques autres prétendent qu'il
est le fils de Déxios (Diogène Laërce, Vies
des philosophes, IX, 18), voire de Dexinos
(Pseudo-Lucien, De la longévité,
20), probable déformation du nom précédent.
Il
est probablement né durant la 40e
olympiade, soit entre 620 et 617 av. J.-C. (Apollodore d'Athènes,
Chronologie,
40 ; Sextus Empiricus, Contre les
mathématiciens,
I, 257 ; Clément d'Alexandrie, Stromates,
I, 64).
□ Acmé :
Les
sources restent incertaines en ce qui concerne l'acmé de Xénophane :
-
56e
olympiade, de 556 à 553 av. J.-C. (Eusèbe de Césarée,
Chronographie, 56),
-
1ère
année de la 60e
olympiade, en 540 av. J.-C. (Eusèbe de Césarée, Chronographie,
59-61),
-
60e
olympiade, de 540 à 537 av. J.-C. (Diogène Laërce, Vies
des philosophes, IX, 20).
On
considère généralement que l'acmé d'un personnage antique se
situe approximativement vers sa 40e
année, mais cette supposition est souvent démentie par les faits.
Il faut bien constater qu'aucune des informations précédentes ne
correspond aux données que l'on peut déduire à partir de sa date
de naissance et des 40 ans supposés pour l'âge moyen de l'acmé :
on obtiendrait une acmé correspondant à la 50e
olympiade, vers 580 à 577 av. J.-C. À
l'inverse, en partant des dates supposées de l'acmé et en essayant
d'en déduire une date de naissance en soustrayant 40 ans, on
aboutirait à la période 596-577 av. J.-C. Dans le cas de Xénophane,
il faut donc abandonner l'idée que son acmé pourrait correspondre à
un âge de 40 ans.
Les
sources présentent donc deux dates d'acmé, plus récentes que ce
que l'on pourrait attendre. Paradoxalement, cette bizarrerie
pourraient correspondre aux deux principaux épisodes de la vie de
Xénophane, ce qui donnerait finalement raison à Eusèbe de
Césarée :
-
Xénophane
aurait connu une première acmé à l'âge de 64 ans, comme poète
en Ionie, durant la 56e
olympiade, de 556 à 553 av. J.-C.
-
Xénophane
aurait vécu une seconde acmé à 80 ans, en tant que philosophe
dans le Sud de l'Italie, pendant la 60e
olympiade, de 540 à 537 av. J.-C.
Deux
événements historiques viennent étayer cette hypothèse :
-
Colophon,
avec l'ensemble de l'empire lydien, a été conquise par Cyrus le
Grand en 546 av. J.-C., ce qui entraîna l'exil de Xénophane vers
l'Italie du Sud. Il s'agit donc d'une date charnière, qui coupe la
vie de Xénophane en deux parties, celle passée en Ionie et celle
vécue en Italie du Sud.
-
La
ville d'Élée, où
Xénophane créa son école de philosophie, ne fut fondé par les
Phocéens que vers 535 av. J.-C. Il semble donc que Xénophane y ait
implanté son école philosophique dès sa fondation ou peu après.
On
notera un indice très curieux, qui n'est certainement pas une
coïncidence :
-
Eusèbe
prête à Xénophane de Colophon deux dates d'acmé, correspondant
aux âges de 64 et 80 ans (Eusèbe de Césarée,
Chronographie, 56,
59-61).
-
De
même, Eusèbe attribue à Parménide deux dates d'acmé,
correspondant à 60 et 80 ans (Eusèbe
de Césarée, Chronographie,
81-86).
Manifestement,
il s'agit d'un procédé différent de celui qui consiste à poser
une date d'acmé unique à 40 ans et qui était le seul connu jusqu'à
présent. Comme par hasard, l'erreur de 4 ans sur la première acmé
de Xénophane de Colophon, alors âgé de 64 ans, correspond
exactement à l'espace de 4 ans qui sépare deux olympiades : il
est probable qu'Eusèbe, ou sa source, s'est trompé d'une olympiade.
Le système d'Eusèbe de Césarée, ou plus probablement de sa
source, consiste donc à poser deux dates d'acmé : une à 60
ans et l'autre à 80 ans. Reste à savoir dans quelle mesure cette
méthode a pu être appliqué à d'autres.
En conséquence, il semble qu'il faille reculer la 1ère
acmé de Xénophane de 4 ans et la placer lors de la 55e
olympiade, vers 560 à 557 av. J.-C.
□
Contemporains supposés :
Quelques
données complémentaires peuvent être fournies par les
contemporains qu'il a pu connaître. Ce type d'information est à
utiliser avec beaucoup de prudence, car les connexions avec d'autres
personnages sont souvent fantaisistes.
•
Écrivains (poètes, historiens,
philosophes...) :
Phocylide de Milet (Eusèbe
de Césarée, Chronographie,
59-61) : poète élégiaque du VIe
s. av. J.-C. Il s'agit bien d'un contemporain de Xénophane. Ibycos
de Rhêgion (Eusèbe
de Césarée, Chronographie,
59-61) : poète lyrique du VIe
s. av. J.-C., originaire d'Italie du Sud, contemporain de Xénophane.
Thespis (Eusèbe de
Césarée, Chronographie,
59-61) : poète ayant introduit la tragédie en Attique vers le
milieu du VIe s.
av. J.-C., contemporain de Xénophane. Lasos
d'Hermionè
(Plutarque, De la mauvaise honte,
5, 530 E) : poète et musicien de la 2e
moitié du VIe s.
av. J.-C., parfois compté parmi les 7 sages de la Grèce antique,
qui aurait fréquenté Xénophane. Épicharme
de Syracuse (Timée, cité par Clément
d'Alexandrie, Stromates,
I, 64) : poète (vers 540 / 450 av. J.-C.). Il a pu connaître
Xénophane dans sa jeunesse et Hiéron Ier
durant sa vieillesse. Anacréon de Téos
(Pseudo-Jamblique, Théologoumènes
arithmétiques, 52, 8) : poète lyrique
(vers 550 / 464 av. J.-C.), bien qu'en partie contemporain de
Xénophane, il est beaucoup plus jeune que lui. Phérécyde
d'Athènes (Eusèbe de Césarée,
Chronographie,
59-61) : historien grec de la 1ère
moitié du Ve s.
av. J.-C., qui a donc vécu après la mort de Xénophane. Pythagore
(Androcyde, Des symboles ;
Aristoxène de Tarente, Vie pythagoricienne ;
Néanthe de Cyzique, Pythagoriques ;
Euboulidès et Hippobote, cités par le Pseudo-Jamblique,
Théologoumènes arithmétiques,
52, 8) : fondateur de l'école philosophique pythagoricienne
(vers 580-495 av. J.-C.), contemporain de Xénophane. Parméniscos et Orestadas de Métaponte
(Favorinus, Mémorables,
I) : philosophes pythagoriciens qui auraient vendu Xénophane
comme esclave. L'événement serait intervenu durant la période de
transition entre son départ de Colophon et son arrivée à Élée.
Empédocle (Hermippe,
cité par Diogène Laërce, Vies des
philosophes, IX, 20 et VIII, 56) :
philosophe (vers 490 / 435 av. J.-C. ?) qui aurait parfois vécu
avec Xénophane et aurait imité sa poésie. Bien que Diogène Laërce
le fasse dialoguer avec Empédocle (Diogène Laërce, Vies
des philosophes, IX, 20), il semble que
Xénophane soit mort environ un quart de siècle avant la naissance
du philosophe sicilien.
•
Personnages politiques :
Cyrus (Clément d'Alexandrie,
Stromates, I, 64 ;
Hippolyte, Réfutation de toutes les hérésies,
I, 14), Cambyse
(Pseudo-Jamblique, Théologoumènes
arithmétiques, 52, 8) et Darius
(Apollodore d'Athènes, Chronologie ;
Clément d'Alexandrie, Stromates,
I, 64) : rois de Perse. Cyrus II le Grand (règne de 559 à 530
av. J.-C.), Cambyse II (règne de 529 à 522) et Darius Ier
le Grand (règne de 521 à 486 av. J.-C.). Cyrus II a conquis
Colophon, ville de Xénophane, en 546 av. J.-C., le forçant à
l'exil. Il semble que Xénophane soit mort au début du règne de
Darius Ier.
Harpage
(Pseudo-Jamblique, Théologoumènes
arithmétiques, 52, 8) : dignitaire mède
du VIe s. av. J-C.
Vers 545 av. J.-C., il reçoit le gouvernement de la Lydie, que Cyrus
vient de conquérir, et a donc tout pouvoir sur Colophon, la cité de
Xénophane. Polycrate de Samos
(Pseudo-Jamblique, Théologoumènes
arithmétiques, 52, 8) : tyran de l'île
de Samos (au pouvoir de 538 à 522 av. J.-C.), contemporain de
Xénophane. Hiéron de Sicile
(Timée, cité par Clément d'Alexandrie, Stromates,
I, 64 ; Plutarque, Les dits notables des
anciens rois, princes et grands capitaines,
175 c) : il s'agit probablement de Hiéron Ier
de Syracuse (478 à 466 av. J.-C.). Mais Xénophane vivait au siècle
précédent. Plutarque fait dialoguer ces deux personnages, qui n'ont
pourtant pas pu se rencontrer. Le poète Épicharme, qui a pu
connaître à la fois Xénophane et Hiéron pourrait être à
l'origine de cette erreur.
□ Décès :
Xénophane
aurait vécu 91 ans, s'il faut en croire le Pseudo-Lucien (De
la longévité, 20), voire plus de 100 ans
selon Censorinus (Censorinus, Du jour de la
naissance, XV, 3). Quelques auteurs
(Démétrios de Phalère, De la vieillesse ;
Panétius de Rhodes, De la vie tranquille)
prétendent qu'il a enterré ses fils de ses propres mains, ce qui va
dans le sens des témoignages précédents.
En
fait, tout dépend de la façon dont on interprète un passage
autobiographique du philosophe (Xénophane, Élégies,
frgt. VIII, cité par Diogène Laërce, Vies
des philosophes, IX, 18), où il déclare
avoir erré à travers l'Hellade durant 67 ans, puis avoir patienté
25 ans pour être enfin à même de tenir un discours vrai. Il aurait
donc vécu plus de 92 ans, ce qui semble donner raison à Censorinus
contre le Pseudo-Lucien, ce dernier ayant manifestement interprété
le passage en question de manière quelque peu approximative.
92
ans devrait correspondre à la période 528-525 av. J.-C., soit la
63e olympiade. 25
ans plus tôt, vers 553-550 av. J.-C., 57e
olympiade, se situe juste après la 1ère
acmé et pourrait coïncider avec le moment où Xénophane a commencé
à pratiquer la philosophie, peut-être comme disciple d'Anaximandre
de Milet.
Si
l'on croise les témoignages précédents avec ceux concernant sa
date de naissance, il serait donc probablement mort pendant ou après
la 65e olympiade,
de 520 à 517 av. J.-C, s'il est exact qu'il a vécu plus d'une
centaine d'années, comme l'affirme Censorinus.
□
Abrégé
de chronologie :
•
Naissance :
à Colophon, entre 620 et 577 av. J.-C. (plus précisément vers
620-617 av. J.-C., selon Apollodore).
•
1ère
acmé :
en
tant que poète d'Ionie, vers
560 à 557 av. J.-C. ?
•
Annexion
de Colophon par les Perses :
546
av. J.-C.
•
Exil et
esclavage de Xénophane :
en Sicile, vers 546-540 av. J.-C. ?
•
2e
acmé :
en
tant que philosophe en Italie du Sud, vers
540-537 av. J.-C. ?
•
Fondation
d'Élée :
vers 535 av. J.-C.,
et création de l'école éléatique peu de temps après.
•
Décès :
probablement à Élée, vers 520-477 av. J.-C. (plus précisément
peu après 520-517, selon la chronologie d'Apollodore).
56e
olympiade, de 556 à 553 av. J.-C. (Eusèbe de Césarée,
Chronographie, 56),
1ère
année de la 60e
olympiade, en 540 av. J.-C. (Eusèbe de Césarée, Chronographie,
59-61),
60e
olympiade, de 540 à 537 av. J.-C. (Diogène Laërce, Vies
des philosophes, IX, 20).
Xénophane
aurait connu une première acmé à l'âge de 64 ans, comme poète
en Ionie, durant la 56e
olympiade, de 556 à 553 av. J.-C.
Xénophane
aurait vécu une seconde acmé à 80 ans, en tant que philosophe
dans le Sud de l'Italie, pendant la 60e
olympiade, de 540 à 537 av. J.-C.
Colophon,
avec l'ensemble de l'empire lydien, a été conquise par Cyrus le
Grand en 546 av. J.-C., ce qui entraîna l'exil de Xénophane vers
l'Italie du Sud. Il s'agit donc d'une date charnière, qui coupe la
vie de Xénophane en deux parties, celle passée en Ionie et celle
vécue en Italie du Sud.
La
ville d'Élée, où
Xénophane créa son école de philosophie, ne fut fondé par les
Phocéens que vers 535 av. J.-C. Il semble donc que Xénophane y ait
implanté son école philosophique dès sa fondation ou peu après.
Eusèbe
prête à Xénophane de Colophon deux dates d'acmé, correspondant
aux âges de 64 et 80 ans (Eusèbe de Césarée,
Chronographie, 56,
59-61).
De
même, Eusèbe attribue à Parménide deux dates d'acmé,
correspondant à 60 et 80 ans (Eusèbe
de Césarée, Chronographie,
81-86).
□
Abrégé
de chronologie :
•
Naissance :
à Colophon, entre 620 et 577 av. J.-C. (plus précisément vers
620-617 av. J.-C., selon Apollodore).
•
1ère
acmé :
en
tant que poète d'Ionie, vers
560 à 557 av. J.-C. ?
• Annexion de Colophon par les Perses : 546 av. J.-C.
• Exil et esclavage de Xénophane : en Sicile, vers 546-540 av. J.-C. ?
• 2e acmé : en tant que philosophe en Italie du Sud, vers 540-537 av. J.-C. ?
• Fondation d'Élée : vers 535 av. J.-C., et création de l'école éléatique peu de temps après.
• Décès : probablement à Élée, vers 520-477 av. J.-C. (plus précisément peu après 520-517, selon la chronologie d'Apollodore).
• Annexion de Colophon par les Perses : 546 av. J.-C.
• Exil et esclavage de Xénophane : en Sicile, vers 546-540 av. J.-C. ?
• 2e acmé : en tant que philosophe en Italie du Sud, vers 540-537 av. J.-C. ?
• Fondation d'Élée : vers 535 av. J.-C., et création de l'école éléatique peu de temps après.
• Décès : probablement à Élée, vers 520-477 av. J.-C. (plus précisément peu après 520-517, selon la chronologie d'Apollodore).
●
Connexions
philosophiques
□
Maîtres :
Pour quelques auteurs antiques, Xénophane n'aurait pas
eu de maître en philosophie (Diogène Laërce, Vies
des philosophes, IX, 18). Néanmoins, trois
personnages ont été proposés.
Boton
d'Athènes (Diogène Laërce, Vies
des philosophes, IX, 18) : Boton fut, en
rhétorique, le maître de Théramène (mort en 404 av. J.-C.) et
s'est opposé au sophiste Critias (vers 455-403 av. J.-C.), deux
personnages au pouvoir à Athènes durant la Tyrannie des Trente. On
peut en déduire que Boton a vécu au Ve
s. av. J.-C., alors que Xénophane vivait au siècle précédent.
D'ailleurs, il n'y a aucune trace d'un éventuel séjour de Xénophane
à Athènes. Archélaos de Milet
(Diogène Laërce, Vies des philosophes,
IX, 18) : disciple d'Anaxagore de Clazomènes (500-428 av. J.-C)
et maître de Socrate (vers 470-399 av. J.-C.). On ne voit pas
comment ce philosophe aurait pu être aussi le maître de Xénophane,
qui vivait un siècle plus tôt. Il s'agit probablement d'une
confusion avec Anaximandre de Milet. Anaximandre
de Milet (Théophraste,
Épitomé ;
Sotion, Successions ;
Diogène Laërce, Vies des philosophes,
IX, 18, 21) : principal philosophe milésien (vers 610-546 av.
J.-C. ?). Le fait que Xénophane ait pu suivre son enseignement
durant la première partie de sa vie est très vraisemblable, car on
trouve des correspondances entre les deux philosophies.
□
Élèves :
Parménide
d'Élée
(Aristote,
Métaphysique,
A, V, 986 b 18 ; Théophraste,
cité par Simplicius, Commentaire
sur la physique d'Aristote, 22 et
suiv. ; Diogène Laërce, Vies des
philosophes, IX, 21) : principal
philosophe éléate, successeur de Xénophane. Il n'est pas certain
que Parménide ait pu naître suffisamment tôt pour suivre
directement l'enseignement de Xénophane.
●
Éléments de
géographie
Xénophane
est né à Colophon (Diogène
Laërce, Vie, doctrines et sentences
des philosophes illustres,
IX, 18 ; Théodoret, Thérapeutique
des maladies helléniques,
IV, 5), ville grecque de la côte ouest de
l'actuelle Turquie. Il a d'ailleurs composé une Fondation
de Colophon. Mais, dans la première partie
de sa vie, il a circulé à travers l'ensemble de l'Ionie, en
exerçant le métier de poète et de rhapsode et en chantant ses
élégies et ses iambes.
Exilé,
il gagna d'abord la Sicile : Zancle, c'est-à-dire Messène,
puis Catane (Diogène
Laërce, Vies des philosophes,
IX, 18). Il y a peut-être vécu dans
l'esclavage : on dit que les pythagoriciens Parméniscos et
Orestadas l'auraient vendu comme esclave (Diogène
Laërce, Vies des philosophes,
IX, 20). Aurait-il été capturé puis
asservi lors de la prise de Colophon par Cyrus ?
Enfin
il s'installa à Élée, où
il fonda son école de philosophie. Il a dû assister à la fondation
de cette cité, dont il raconte l'histoire dans sa Colonisation
d'Élée en
Italie
(Diogène Laërce, Vies des
philosophes,
IX, 20).
Une
dernière question doit être abordée. Trois textes, provenant tous
d'ouvrages de Plutarque (Plutarque, De
l'amour,
XVIII, 12, 763 D ; Plutarque, Isis
et Osiris,
70, 379 B ; Plutarque, De la
superstition,
13, 171 E), rapportent que Xénophane se serait rendu en Égypte :
on y voit le philosophe ironisant sur les croyances polythéistes et
notamment sur l'éventuelle divinité d'Osiris. Or, cette anecdote
provient d'Aristote, dans une version où les Égyptiens sont
remplacés par les habitants d'Élée
et Osiris par Leucothée (Aristote, Rhétorique,
II, XXVI, 1400 b 5). Le récit de Plutarque a manifestement été
déformé au cours du temps et il est très improbable que Xénophane
soit jamais allé en Égypte.
● Œuvre
Les
ouvrages de Xénophane ont été écrits en vers : vers épiques,
élégies, iambes, etc. Ils ont tous disparu et l'on ne les connaît
que par quelques fragments transmis par d'autres auteurs antiques.
L’œuvre de Xénophane a été critiquée dès l'Antiquité.
Certains le considéraient comme un poète scrupuleux mais peu doué
(Philon d'Alexandrie, De
la providence,
II, 39, 42 ; Athénée,
Les
Deipnosophistes,
XIV, 632 C).
Aristote, qui s'érigea en pourfendeur des Éléates, critiqua
l'idéalisme de sa position philosophique et n'hésita pas à le
traiter de naïf (Aristote,
Métaphysique,
A, V, 986 b 18).
1.
Élégies.
Datant
probablement de la première période de la vie de Xénophane, elles
concernent généralement des sujets variés et légers :
description d'un banquet, vaine gloriole des exploits sportifs, goût
du luxe des habitants de Colophon, éloge d'un aède, anecdote sur
Pythagore, considérations sur la vieillesse, etc.
Le
tout représente 9 fragments connus, correspondant à 79 vers
(Athénée, Les Deipnosophistes,
IX, 368 E ; X, 413 F ; XI, 462 C, 782 A ; XII, 526 A ;
Diogène Laërce, Vies des philosophes,
VIII, 36 ; IX, 18-19 ; Etymologicum
genuinum,
"Vieillesse").
2.
Silles.
Pour
l'essentiel, il s'agit d'une critique d'Homère, d'Hésiode,
d'Épiménide
et même de Thalès et de Pythagore. Il s'en prend surtout à la
conception traditionnelle que les Grecs avaient des dieux, se moque
de leur apparence naïvement anthropomorphique et des fables,
diffusées par les poètes et les philosophes, qui leur attribuaient
les pires méfaits. En cela, les Silles
préfigurent l'œuvre philosophique de Xénophane.
L'ensemble
conservé est constitué d'au moins 8 fragments, représentant
environ 27 vers (Hérodien, Sur les
voyelles à double temps,
296, 6 ; Sextus Empiricus, Contre
les mathématiciens,
I, 289 ; IX, 193 ; Clément d'Alexandrie, Stromates,
V, 109-110 ; VII, 22 ; Aristophane, Les
Cavaliers,
v. 408, scholie ; Stobée, Choix
de textes,
I, VIII, 2).
3.
Parodies.
Il est
difficile de cerner le contenu de ces Parodies, dont seul un
fragment de 7 vers est connu (Athénée,
Les Deipnosophistes,
II, 54 E).
□
Livres historiques :
4.
La
Fondation de Colophon.
5.
La
Colonisation d'Élée
en Italie.
Les deux
ouvrages représentaient au total environ 2 000 vers (Diogène
Laërce, Vies des philosophes,
IX, 20). Ils ont complètement disparu.
□
Livres
philosophiques :
6.
De
la Nature.
On
peut y distinguer trois types de citations, correspondant à trois
grands domaines de la philosophie : la physique ; la
théologie et la métaphysique ; la philosophie morale et la
logique. En ce qui concerne la physique, il donne ses idées sur la
constitution et la forme de la Terre et des astres, ainsi que sur la
nature et le rôle des éléments. D'un point de vue théologique,
Xénophane y livre sa conception d'un Dieu unique, incorporel,
omniscient, omnipotent et immuable. Enfin, en matière de philosophie
morale et bien avant Socrate, il affirme que personne ne possède la
connaissance claire, tout n'étant qu'opinion et les sens trompeurs,
d'où il résulte que seules la raison et la logique peuvent nous
guider.
Il
s'agit de 16 fragments, représentant 42 vers (Clément d'Alexandrie,
Stromates,
V, 109 ; Sextus Empiricus, Contre
les mathématiciens,
VII, 49 ; IX, 144 ; X, 314 ; Simplicius, Commentaire
sur la Physique d'Aristote,
23, 11 ; 23, 20 ; 188, 32 ; Aétius, cité par
Théodoret, Thérapeutique
des maladies helléniques,
IV, 5 ; Aétius, Opinions,
III, IV, 4 ; Achille Tatius, Introduction
à Aratos,
4 ; Héraclite, Allégories
d'Homère,
XLIV ; Homère, Iliade,
XI, v. 27, scholie ; Plutarque, Propos
de table,
7, 746 B ; Hérodien, Sur
les deux quantités,
296, 9 ; Hérodien, Sur
les mots singuliers,
30, 30 ; 41, 5).
7.
Sur
les Dieux.
Nicolas
de Damas est le seul à affirmer que Xénophane aurait écrit un
livre Sur
les Dieux
(Simplicius, Commentaire
sur la physique d'Aristote,
22 et suiv.). On ne sait s'il s'agit d'un ouvrage à part ou d'une
façon de désigner un autre livre, peut-être les
Silles
ou De
la Nature.
Boton d'Athènes (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 18) : Boton fut, en rhétorique, le maître de Théramène (mort en 404 av. J.-C.) et s'est opposé au sophiste Critias (vers 455-403 av. J.-C.), deux personnages au pouvoir à Athènes durant la Tyrannie des Trente. On peut en déduire que Boton a vécu au Ve s. av. J.-C., alors que Xénophane vivait au siècle précédent. D'ailleurs, il n'y a aucune trace d'un éventuel séjour de Xénophane à Athènes. Archélaos de Milet (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 18) : disciple d'Anaxagore de Clazomènes (500-428 av. J.-C) et maître de Socrate (vers 470-399 av. J.-C.). On ne voit pas comment ce philosophe aurait pu être aussi le maître de Xénophane, qui vivait un siècle plus tôt. Il s'agit probablement d'une confusion avec Anaximandre de Milet. Anaximandre de Milet (Théophraste, Épitomé ; Sotion, Successions ; Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 18, 21) : principal philosophe milésien (vers 610-546 av. J.-C. ?). Le fait que Xénophane ait pu suivre son enseignement durant la première partie de sa vie est très vraisemblable, car on trouve des correspondances entre les deux philosophies.
Une dernière question doit être abordée. Trois textes, provenant tous d'ouvrages de Plutarque (Plutarque, De l'amour, XVIII, 12, 763 D ; Plutarque, Isis et Osiris, 70, 379 B ; Plutarque, De la superstition, 13, 171 E), rapportent que Xénophane se serait rendu en Égypte : on y voit le philosophe ironisant sur les croyances polythéistes et notamment sur l'éventuelle divinité d'Osiris. Or, cette anecdote provient d'Aristote, dans une version où les Égyptiens sont remplacés par les habitants d'Élée et Osiris par Leucothée (Aristote, Rhétorique, II, XXVI, 1400 b 5). Le récit de Plutarque a manifestement été déformé au cours du temps et il est très improbable que Xénophane soit jamais allé en Égypte.
● Œuvre
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