Parménide d'Élée






              Bien que Parménide soit l'un des plus grands philosophes de l'Antiquité et le plus important parmi les éléates, on ne sait presque rien de sa vie. Aucune source, parmi celles qui nous sont parvenues, n'a même consigné ne serait-ce que les dates qui encadrent sa vie. Quand à ses conceptions philosophiques, il n'en reste que quelques lambeaux, sous forme d'extraits transmis par divers auteurs antiques et pieusement récoltés par les historiens de la philosophie. On ne s'étonnera donc pas des interprétations divergentes des spécialistes sur les rares détails connus de sa biographie et, à plus forte raison, sur le véritable sens et la portée de son œuvre.
Ne pas confondre Parménide d'Élée avec l'orateur antique Parménide, auteur d'un Art oratoire.

Chronologie

□ Naissance :

Parménide, fils de Pyrès, est issu d'une famille riche et illustre (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 21 ; Suidas, Lexique, Parménide).
Il serait né à Élée, en Italie du Sud (Strabon, Géographie, VI, I, 252) : autrefois comptoir phénicien de Hyélé, les Phocéens y fondèrent la colonie d'Élé vers 535 av. J.-C., devenue la cité indépendante d'Élée (Έλέα) et qui correspondra plus tard à la ville romaine de Vélia (Velia). C'est pourquoi on le désigne couramment sous le nom de Parménide d'Élée (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 21 ; Jamblique, Vie pythagorique, 166 ; Proclus, Commentaire sur le Parménide de Platon, 619, 4 ; Photius, Bibliothèque, 249 ; Pseudo-Plutarque, Stromates, 5 ; Clément d'Alexandrie, Protreptique, V, 64 ; Censorinus, Du jour de la naissance, IV, 7-8), bien que Strabon soit le seul à consigner clairement que Parménide est vraiment né à Élée (Strabon, Géographie, VI, I, 252).

Aucune source antique conservée ne nous livre explicitement la date de naissance de Parménide.
Néanmoins, s'il faut suivre Diogène sur la date d'acmé du philosophe (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 23), cela placerait sa naissance à peu près 40 ans plus tôt, lors de la 59e olympiade, soit de 544 à 541 av. J.-C. Mais il s'agit manifestement d'un anachronisme : la fondation d'Élée n'est intervenue que vers 538 à 535 av. J.-C. Donc, si Parménide est bien né à Élée, ce devrait être après cette date, bien que l'on puisse également supposer, en maltraitant quelque peu nos sources, qu'il soit né dans le comptoir phénicien de Hyélé et non dans la cité grecque d'Élée, ou encore que son véritable lieu de naissance soit tout autre.
Quant à Platon, il postule que Parménide a vécu à une époque plus récente (Platon, Parménide, 127 a) : à partir de son dialogue, dont l'action se situe vers 450 av. J.-C., on peut déduire en effet que Parménide, qui est sensé avoir alors 65 ans, serait né vers 515 av. J.-C. Les historiens ont mis en doute la véracité de cette chronologie, qui ne serait qu'un artifice de Platon pour permettre la rencontre, considérée comme improbable, de Socrate, à peine âgé d'une vingtaine d'année, avec le grand Parménide : Athénée, en effet, conteste la version de Platon (Athénée, Les Deipnosophistes, XI, 505 F), mais plutôt parce que Socrate, à l'époque, aurait été trop jeune pour comprendre les raisonnements complexes de Parménide et surtout parce qu'il se scandalise que Platon puisse affirmer que Zénon ait entretenu des relations intimes avec Parménide. Cependant, l'anachronisme commis par Diogène Laërce rend le contexte historique du récit de Platon bien plus vraisemblable que ce que l'on en dit habituellement. Il faut rappeler aussi que seules les générations de Zénon et de Socrate séparent Parménide de Platon. Au moment où ce dernier écrit son dialogue, peu d'années après 370 av. J.-C., le souvenir de la vie de Parménide est encore frais et certains contemporains très âgés ont pu le connaître dans leur jeunesse. En conséquence, Platon pouvait-il se permettre d'inventer une fausse chronologie sans se discréditer et rendre son récit parfaitement ridicule aux yeux de ses lecteurs antiques ?
Cette impression est confirmée par la lecture d'Eusèbe (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 81), dont on pourrait déduire une date de naissance de Parménide encore plus récente : au début de la 71e olympiade, soit vers 496 av. J.-C.

□ Acmé :
  • 69e olympiade, soit de 504 à 501 av. J.-C. (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 23).
  • 1ère année de la 81e olympiade, soit 456 av. J.-C. (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 81).
  • Entre 465 et 431 av. J.-C. (Chronographie de Henzen, Inscriptions grecques, XIV, 1297, 30).
  • 1ère année de la 86e olympiade, soit 436 av. J.-C. (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 86).
Diogène (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 23) est le seul à préciser qu'il s'agit bien de la date d'acmé, ce qui semble rendre ce témoignage plus fiable, du moins en apparence, car l'anachronisme de cette mention (cf. § précédent) la rend très suspecte.
La période proposée par Eusèbe (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 81, 86) semble plus crédible, soit vers 456 à 436 av. J.-C., à condition de renoncer à l'idée, souvent contredite par les faits, que l'acmé correspondrait à un âge de 40 ans. Si l'on retient la chronologie de Platon (Platon, Parménide, 127 a), Parménide aurait alors entre 60 et 80 ans.
L'étude de la biographie de Xénophane de Colophon a révélé qu'Eusèbe (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 56, 59-61), ou plus probablement sa source, utilisait parfois un procédé consistant à donner deux dates d'acmé, à 60 et 80 ans et non à 40 ans, comme on le suppose habituellement. Parménide est une excellente illustration de cet usage.

□ Contemporains supposés :

Écrivains (poètes, historiens, philosophes...) :
Démocrite d'Abdère : philosophe abdéritain (vers 460/370 av. J.-C.), successeur de Leucippe, lui-même disciple de Parménide (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 86). Hippocrate de Cos : médecin grec (vers 460/370 av. J.-C.), considéré comme le père de la médecine occidentale (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 86). Socrate : philosophe grec (vers 470/399 av. J.-C.). Très jeune, Socrate aurait suivi une conférence de Parménide, alors âgé de 65 ans, selon Platon (Platon, Parménide, 127 a ; Chronographie de Henzen, Inscriptions grecques, XIV, 1297, 30). Héraclite d'Éphèse : philosophe grec (vers 544/480 av. J.-C.), peut être considéré comme un contemporain de Parménide, bien que nettement plus âgé (Chronographie de Henzen, Inscriptions grecques, XIV, 1297, 30). Anaxagore de Clazomènes : philosophe (vers 500/428 av. J.-C.), disciple d'Anaximène de Milet, contemporain de Parménide (Chronographie de Henzen, Inscriptions grecques, XIV, 1297, 30).
Personnages politiques :
Hiéron de Sicile : Hiéron Ier de Syracuse, règne de 478 à 466 av. J.-C., contemporain de Parménide (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 81).

□ Décès :

Aucune source antique conservée ne mentionne la date et le lieu du décès de Parménide.
À partir d'Eusèbe, qui fait encore mention du philosophe dans la 1ère année de la 86e olympiade, soit en 436 av. J.-C. (Eusèbe de Césarée, Chronographie, 86), on peut envisager qu'il a pu vivre au moins 80 ans et s'éteindre après 435 av. J.-C.

□ Abrégé de chronologie :

Naissance : probablement à Élée, entre 544 et 496 av. J.-C. (plus précisément en 515, selon Platon).
Voyage à Athènes, avec Zénon : vers 450 av. J.-C. (plus précisément en juin 449 av. J.-C., selon Platon).
Acmé : entre 504 et 436 av. J.-C. (les sources se contredisent).
Décès : date inconnue. Probablement après 435 av. J.-C., peut-être à Élée.

Connexions philosophiques

□ Maîtres :
Xénophane de Colophon : Parménide aurait été l'élève de Xénophane (Suidas, Lexique, Parménide ; Aristote, Métaphysique, A, V, 986 b 22 ; Théophraste, Sur les philosophes de la nature ; Alexandre d'Aphrodise, Commentaire sur la Métaphysique d'Aristote, A, III, 984 b 3 ; Simplicius, Commentaire sur la Physique d'Aristote, 22, 27). Diogène prétend que Parménide, bien qu'élève de Xénophane, n'aurait pas été son continuateur (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 21). Aminias : philosophe pythagoricien, ami et maître de Parménide (Sotion, Successions ; Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 21). Plusieurs témoignages donnent d'ailleurs Parménide comme ayant été pythagoricien avant d'être éléate (Nicomaque de Gérase, cité par Proclus, Commentaire sur le Parménide de Platon, 619, 4 ; Photius, Bibliothèque, 249 ; Jamblique, Vie pythagorique, 267). Anaximène de Milet : dernier philosophe milésien (vers 585/525 av. J.-C.). Suidas affirme que Parménide fut son élève (Théophraste, cité par Suidas, Lexique, Parménide), alors que Diogène Laërce prétend l'inverse (Diogène Laërce, Vies des philosophes, II, 3). Les deux affirmations sont invraisemblables, pour des raisons chronologiques. Il pourrait s'agir d'une confusion avec Anaxagore de Clazomènes.

Sur la question du maître qu'il faut attribuer à Parménide, le témoignage de Diogène (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 21), emprunté à Sotion, est particulièrement bizarre, voire paradoxal et mérite une explication de texte. Évoquant Parménide, Diogène commence par affirmer : « cependant, bien qu'il fut l'élève de Xénophane, il ne fut pas son continuateur ». Puis il démontre le contraire. Ainsi, il raconte que Parménide ne fut pas l'élève de Xénophane, mais du pythagoricien Aminias, ce qui est tout à fait vraisemblable, étant donné que plusieurs témoignages antiques attestent que Parménide a bien été pythagoricien dans sa jeunesse (Nicomaque de Gérase, cité par Proclus, Commentaire sur le Parménide de Platon, 619, 4 ; Photius, Bibliothèque, 249 ; Jamblique, Vie pythagorique, 267). L'impression qui en résulte est que Diogène aurait, par inadvertance, écrit le contraire de ce qu'il voulait affirmer, à savoir que Parménide ne fut pas l'élève de Xénophane, mais son continuateur. Cette erreur, cependant, pourrait être volontaire et due à sa source Sotion qui, tenant Xénophane pour un sceptique (Sotion, Successions ; Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 20), aurait considéré que Parménide ne pouvait avoir prolongé sa philosophie.
D'autre part, le fait que Parménide ait pu éventuellement suivre les cours de Xénophane pose un sérieux problème de vraisemblance chronologique. Xénophane aurait fondé son école au plus tôt vers 535 av. J.-C. et serait mort peu après 520 av. J.-C. La date d'acmé avancée par Diogène (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 21-23), qui fait naître Parménide vers 544-541 av. J.-C., est manifestement destinée à rendre possible cette filiation philosophique : Parménide aurait atteint 18 ans vers 526-523 av. J.-C., alors que Xénophane avait 94 ans et aurait donc pu être son élève durant quelques années, le maître s'éteignant ensuite, après avoir dépassé la centaine d'années. Il a été démontré plus haut que ce montage chronologique, validé dès l'époque d'Aristote (Aristote, Métaphysique, A, V, 986 b 22), présente le grave inconvénient de faire naître Parménide à Élée avant même que cette ville ait pu être fondée.
Que peut-on déduire de cet empilement de données contradictoires ? Il semblerait que sur ce sujet et contrairement à l'opinion généralement admise par les chercheurs, Platon soit plus digne de confiance que Diogène (Platon, Parménide, 127 a ; Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 21). Parménide, né trop tard, n'aurait pas été l'élève de Xénophane, mais son continuateur, n'en déplaise à Sotion. La transmission intacte et cohérente de l'héritage éléatique de Xénophane jusqu'à Zénon et Mélissos, tel qu'elle est clairement perceptible, entre autres, dans le ΖΞΓ du Pseudo-Aristote (Pseudo-Aristote, Mélissos, Xénophane, Gorgias, I-IV, 974a-979a), laisse à penser que celui-ci est passé à travers l'enseignement de Parménide. Cette analyse est confortée par les multiples rapprochements que l'on peut opérer entre la philosophie de Xénophane et celle de Parménide.

□ Élèves :
Empédocle d'Agrigente : disciple zélé et imitateur de Parménide (Théophraste, Opinions des physiciens, frgt 3 ; Diogène Laërce, Vies des philosophes, VIII, 55 ; Simplicius, Commentaire sur la Physique d'Aristote, 25, 19 ; Eusèbe de Césarée, Chronographie, 81, 86). Suidas n'hésite pas à y voir son successeur, ce qui est certainement abusif (Suidas, Lexique, Parménide). Zénon d'Élée : élève et successeur de Parménide (Apollodore, Chroniques ; Suidas, Lexique, Parménide ; Proclus, Commentaire sur le Parménide de Platon, 619, 4 ; Eusèbe de Césarée, Chronographie, 86). Platon affirme qu'il était aussi son mignon, ce qui est contesté par Athénée (Platon, Parménide, 127 a ; Athénée, Les Deipnosophistes, XI, 505 F). Diogène Laërce, quant à lui, témoigne que Parménide l'avait adopté (Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 25). Leucippe : disciple de Parménide, fondateur de l'école abdéritaine, dite atomiste (Théophraste, Opinions des physiciens, frgt 8 ; Simplicius, Commentaire sur la Physique d'Aristote, 28, 4).

Éléments de géographie

Parménide serait né et aurait passé sa jeunesse à Élée (Strabon, Géographie, VI, I, 252 ; Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 21 ; Suidas, Lexique, Parménide).
Platon prétend qu'il serait venu à Athènes avec Zénon, vers 450 av. J.-C., en prenant pour prétexte les grandes Panathénées. Les deux philosophes auraient donné à cette occasion des lectures dans une maison du quartier du Céramique, un évènement auquel Socrate aurait assisté (Platon, Parménide, 127 a).
On ne sait rien d'autre des déplacements de Parménide, tout particulièrement en Italie du Sud. On ne sait pas s'il est mort à Élée.

Œuvre

Suidas déclare que Parménide aurait écrit des œuvres en prose (Suidas, Lexique, Parménide), mais il semble que ce soit à cause d'une mauvaise interprétation d'un passage de Platon (Platon, Le Sophiste, 237 a). Il n'aurait donc écrit qu'un seul ouvrage, en hexamètres épiques, et c'est du moins ce que l'on prétend habituellement. Mais il faut relever que Parménide a également rédigé la constitution de sa ville-état, forcément en prose.

□ Livre philosophique :

1. De la Nature.
L'ouvrage a beaucoup impressionné les auteurs antiques par son contenu étrange, complexe, absolument paradoxal et remettant en cause, pour la première fois, toutes les idées reçues sur la nature de la réalité. C'est pourquoi nombreuses sont les sources qui évoquent les conceptions philosophiques de Parménide et un peu plus de 150 vers ont pu en être conservés (Platon, Le Banquet, 178 b ; Platon, Thééthète, 180 d ; Platon, Le Sophiste, 237 a. 244 e ; Aristote, Physique, III, VI, 207 a 9, 15 ; Aristote, Métaphysique, A, IV, 984 b 23. Γ, V, 1009 b 21. N, II, 1089 a 2 ; Théophraste, Du sens, 3 ; Eudème, Physique ; Aétius, Opinions des philosophes, II, VII, 1 ; Plutarque, Contre Colotès, XIII, 1114 B, D. XV, 1116 A ; Plutarque, De l'amour, XIII, 756 F ; Plutarque, De la face qui apparaît dedans le rond de la Lune, XVI, 929 A ; Pseudo-Plutarque, Stromates, 5 ; Galien, Sur les Épidémies d'Hippocrate, VI, 48 ; Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 111-114 ; Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 22 ; Clément d'Alexandrie, Stromates, V, 15, 113, 138. VI, 23 ; Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, I, VIII, 5 ; Plotin, Ennéades, V, I, 8 ; Célius Aurélien, Des maladies chroniques, IV, 9 ; Proclus, Commentaire sur le Timée de Platon, I, 345, 18 ; Proclus, Commentaire sur le Parménide de Platon, 708, 16 ; Simplicius, Commentaire sur le Traité du ciel d'Aristote, 557, 20. 558, 8. 559, 20 ; Simplicius, Commentaire sur la Physique d'Aristote, 30, 13. 31, 3 [scholie], 10. 34, 14. 38, 28. 39, 12, 18. 78, 2, 5. 116, 25. 117, 2. 143, 4. 144, 29. 147, 13, 28. 179, 31. 180, 8).

Parménide pose la réalité d'une substance double et divise la philosophie en deux parties, qui font l'objet des deux chapitres de son ouvrage :
  • La première est la voie de la vérité. Elle relève de l'intellect, des réalités intelligibles et transcendantes, dont le seul critère est l'exigence de la raison, savante et invariable. En conséquence, l’Être pris au sens absolu et qui se dit de manière univoque, est la vérité.
  • La seconde est la voie de l'opinion. Elle relève de la physique et concerne la prétendue évidence des réalités naturelles, des phénomènes sensibles, de l'engendré et du corruptible, c'est-à-dire des objets de l'opinion ou opinables. Elle n'est en fait que le résultat de l'inexactitude des sens, forcément trompeurs.
Les thèmes abordés concernent, entre autres : les multiples, par nature désordonnés et sujets aux mouvements, aux changements variés, aux affections et aux dissemblances ; la sensation et la pensée, produites par le semblable ; les deux principes limités et opposés (terre, feu) et leurs deux mélanges intermédiaires (eau, air) ; le froid (ou la terre, le dense, la nuit, l'obscurité, le dur, le pesant), c'est-à-dire la matière, est non-être, seul existe le chaud (ou le feu, le léger, la lumière, le ténu, le subtil, le rare), c'est-à-dire l'agent, principe et cause efficiente ; l'étude des astres ; la nature de l'Univers, composé de couronnes d'entrelacs concentriques, ténues ou denses ; la naissance de la Terre, sa forme sphérique, sa nature, ses zones climatiques ; la corruption du monde ; la génération des existants et de l'humanité, avec l'amour pour origine ; l'identité de l'âme et de l'intellect, de la pensée et de l'être ; la soumission de tout ce qui est à la nécessité (ou le destin, la justice, la providence, le principe d'ordre) ; l’inexistence du non-être (ou le néant), car seul l'être est ; le caractère illusoire de l'engendrement, du mouvement, du changement et de la corruption des choses et des êtres ; l'Un (ou l'être, le tout, l'univers, le monde) limité (sphérique), semblable (indifférencié), immobile, inengendré, incorruptible, éternel, un ; la Divinité (ou Dieu) qui régit toutes choses, assimilable à la couronne de feu la plus centrale du monde (ou celle qui enveloppe le monde, voire les deux ?) ; etc.

Parménide a établi un certain nombre de démonstrations astronomiques et géographiques : il comprend que l’étoile du soir et celle du matin ne font qu’un et se confondent dans la planète Vénus (Favorinus, Mémorables, V ; Aétius, Opinions, II, XIV, 4) ; il affirme le premier que la terre est sphérique et en équilibre dans l’espace (Théophraste, d’après Diogène Laërce, Vies, VIII, 48. IX, 21-23) ; il divise le globe terrestre en cinq zones, surestimant seulement la largeur de l’intervalle entre les tropiques (Strabon, Géographie, I, 94 ; Aétius, Opinions, III, XI, 4).
Mais surtout, par sa réflexion sur la nature de l’être, il est le véritable créateur de l’ontologie. Il est aussi à l’origine du célèbre "être ou ne pas être…", repris plus tard par W. Shakespeare dans Hamlet (Parménide, De la nature, frgt. 8, 40-42, cité par Simplicius, Commentaire sur la Physique d’Aristote, 144, 29) : « C'est pourquoi ne sera qu'entité nominale et pur jeu de langage tout ce que les mortels, croyant que c'était vrai, ont d'un mot désigné : tel naître ou bien périr, être et puis n'être pas, changer de position et changer d'apparence au gré de la couleur ».
Socrate et Platon avaient une grande admiration pour Parménide, comme le prouvent les diverses allusions dont ce dernier philosophe a parsemé son œuvre (Platon, Le Banquet, 178 b ; Platon, Thééthète, 180 d-e. 181 a ; Platon, Le Sophiste, 217 c. 237 a. 244 e) et le dialogue de logique qu'il lui a consacré (Platon, Parménide ou des Idées). Socrate garde le souvenir des "splendides arguments" de Parménide (Platon, Thééthète, 183 e ; Platon, Le Sophiste, 217 c) : « Parménide m’apparaît tel le héros d'Homère, à la fois vénérable et redoutable. Il m'a été donné de le voir, alors que j'étais encore fort jeune, et lui déjà fort vieux, et il me parut avoir une profondeur géniale ».

A l'inverse, Plutarque reproche à Parménide sa versification (Plutarque, Comment il faut ouïr, XIII, 45 A), alors que Proclus stigmatise son manque de clarté, tout en lui reconnaissant un style épuré, proche de la prose (Proclus, Commentaire sur le Timée de Platon, I, 345, 12 ; Proclus, Commentaire sur le Parménide de Platon, 665, 17).
Mais le plus sévère est indubitablement Aristote, qui aurait rédigé tout un livre, perdu depuis, pour réfuter les idées de Parménide (Jean Philopon, Commentaire sur la Physique d'Aristote, 65, 23). Il a aussi consacré une petite partie de son œuvre à démonter les thèses des éléates, dont les postulats allaient à l'encontre des fondements mêmes de sa physique et de sa métaphysique : il a cru les insulter en les qualifiant d'immobilistes, d'anti-physiciens et de naïfs, voire en prétendant que l'éléatisme était une pure folie (Aristote, Métaphysique, A, V, 986 b 18 ; Aristote, De la génération et de la corruption, I, VIII, 325 a 13 ; Aristote, De la philosophie, frgt. 9 ; Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, X, 46). Il fut suivi par son disciple Eudème qui, avec une certaine candeur, crut pouvoir démontrer l'inanité des thèses de Parménide parce qu'elles ne rentraient pas dans le cadre de la logique aristotélicienne (Eudème, Physique, cité par Simplicius, Commentaire sur la Physique d'Aristote, 115, 11).

□ Autre écrit :

2. Constitution d'Élée.
Parménide aurait donné de bonnes lois à ses concitoyens, auxquelles les habitants d'Élée devaient jurer fidélité tous les ans (Speusippe, Sur les philosophes ; Strabon, Géographie, VI, I, 252 ; Plutarque, Contre Colotès, 32, 1126 A ; Diogène Laërce, Vies des philosophes, IX, 23).

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